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Carte de notre route

De Tahiti aux Gambier

Après avoir récupéré notre nouveau moteur qui avait fait l'erreur d'embarquer en avion le 11 septembre de Londres, et conséquemment de se perdre entre Londres et Paris, nous avons enfin pu quitter la Polynésie française le 18 octobre 2001.  Première étape de notre ballade jusqu'à l'extrême sud du Chili.

Nous tournons le dos à plusieurs années de vie à Tahiti. C'était un beau pays à vivre, avec de bien belles et attachantes personnes que les maoris. Nous y avons préparé Morgane pendant plus de 3 ans, nous avons navigué dans les îles de la Société, des Marquises et des Tuamotu. Il nous manquait les Gambier et les Australes. Le premier objectif de ce voyage sera l'un ou l'autre de ces deux archipels, suivant les vents.

Les vents nous ont portés aux Gambier. Une escale extraordinaire après 12 jours de navigation, au près, avec une gentille brise de sud. Les Gambier sont un mélange de tout ce que l'on peut voir en Polynésie: morphologie d'île haute enchâssée dans un lagon immense, une végétation exubérante, regorgeant d'arbres fruitiers, accueil chaleureux des mangaréviens. Un merci en particulier à Hervé, l'infirmier de l'île qui ouvre sa porte et offre aux voiliers de passage un accès à Internet.

Escale inattendue, et pas seulement par la beauté du pays. Par le plus grand des hasards, nous sommes arrivé à Mangareva deux jours après Vague à Bond. Liliane et Claude, accompagnés de Françoise, arrivent du Chili où ils viennent de passer plusieurs années en Terre de Feu et dans les canaux. Echanges de conseils, de cartes, combinaison de plongée contre charentaises. Cette semaine aux Gambier fut une entrée en matière épatante: l'atmosphère et les gens du voyage sont retrouvés. Le départ pour la grande traversée se fait sous les yeux de nos nouveaux amis.

Des Gambier à Puerto Montt

Eh bien, ça y est. Nous sommes des marins comblés, sereins heureux. L'océan Pacifique, ses fameux 40èmes rugissants pour l'instant nous ont chouchoutés. Morgane est aimé des Dieux, la traversée a été longue, mais tranquille. Toutefois, 35 j sans ennui, avec beaucoup de manoeuvres, sous des latitudes où le temps change vite, du genre GV grand genoa l'après-midi, et 4 ris tourmentin le soir.

Le gigantisme du roi océan nous a pour longtemps subjugué, les vagues immenses et longues qui coupent vent et erre ont soumis le matériel à rude épreuve. Nous avons béni tous les jours un peu plus notre merveilleux compagnon de voile et d'acier. Toujours il nous a protégé, toujours il a vaillamment taillé sa route dans l'est sans faiblir ni douter. C'est en ces occasions que l'on juge de la qualité de la préparation d'un navire. L'une des plus grandes sensations de puissance de l'océan nous a été procuré par les albatros géants. Ils ne sont apparus à nos yeux incrédules que lorsque nous étions déjà loin.  Récompense, reconnaissance de notre maître Neptune, ils nous ont discrètement mais constamment escortés de leur démesure tout au long de leur immense domaine. D'une envergure de la largeur du voilier (3.60 mètres), leur vol de titan autour de l'astre lunaire les nuits de grand vent resteront l'anthologie de la liberté et de la sauvagerie.

La liberté du monde sauvage est désormais l'antithèse du monde des occidentaux. Tout y est tellement simple, tellement beau. Il est certain que la stupidité des hommes est incapable de les amener à ce niveau. Notre arrivée ici a été incroyable, entre l'île de Chiloé et le continent avec 10 Nd de courant, nous avons été accueilli par des dizaines de dauphins et de phoques. Des milliers d'oiseaux, cormorans, sternes, pélicans, canards et oies... sans un humain, sauf la voix du phare. Après 35 j de mer, ce genre d'accueil restera à jamais gravé dans nos mémoires.

Et à la marina de Puerto Montt, une incroyable surprise est venue couronner ces derniers jours de rêve: deux copains nous attendaient, prêts à continuer l'aventure avec nous . Et nous ne nous y attendions carrément pas. Marc dit qu'il 'avait dit oui un an et demi auparavant, la dernière fois qu'on s'était croisé en France, et Pierre-Nicolas a dû se jeter dans le dernier vol où il y avait de la place pour le Chili avant Noël. Super. Marc repart le 22/12, et c'est pourquoi on abrège notre escale ici, afin de partir aujourd´hui sur Chiloé.

Autre bonne surprise à l'arrivée, les petits mots des uns et des autres. Vive le courrier électronique.

Voici maintenant quelques chiffres de la traversée:

35j de mer des Gambier (17S 135 W) à Puerto Montt (41.5S 73W). On a parcouru 3795 milles pour 3220 sur la route directe, soit 108 milles par jour. 5 jours sous 4 ris tourmentin, répartis en 2 bastons et quelques très courts coups de vent.  Journées de spi dont une 3 jours avant l'arrivée (donc dans les 40èmes), et 70h de moteur par pétole. Bref, du calme en général.

L'anticyclone de l'île de Pâques que l´on a enroulé a fait monter le baromètre à 1028 mb, ce qui nous apportait du vent (20-30N). Quand le baromètre baissait (mini 1008 mb), pas de vent. Il était a priori aspiré par les bastons du grand sud.

On a mis 3 semaines pour parcourir la première moitié, et 2 semaines pour la 2ème. Cette coupure a correspondu au moment où on a touché les vents portants d'ouest (37S 117W). On n'a pratiquement rien pêché, et rien vu : 1 thon, 2 bonites, 1 chinchard. La misère ! On a été visité par un couple d'orques qui a surfé autour du bateau dans des vagues de 3-5 m (c'était pendant notre seul coup de vent). C'était splendide, on en aurait aimé d'autres.