Le désert d'Atacama

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Ballade dans le nord du Chili

 

Le Chili passe son temps à nous esbrouffer. Le Sud est devenu notre terrain de jeu favori, et voilà que le nord se mêle de la partie. Les mots les plus fréquents que nous avions entendus pour décrire le désert du nord étaient "extraordinaire", "envoûtant", "merveilleux". Délaissant notre vie maritime, nous nous sommes donc rendu dans le désert d'Atacama, a 1600 km au nord de Santiago, au niveau du tropique du Capricorne. 

 

Le désert :

Pour penser au désert chilien, il faut d’abord essayer d’imaginer la beauté de la mort. La beauté des élémentaux figés dans l’aridité, l’austérité et la stérilité du manque d’eau total, définitif et inamovible.  

De l’immense océan Pacifique, jusqu'à la haute cordillère des Andes, le jeu féroce de la nature isole, de trois chaînes de monts différents et parallèles, toute cette immense région de l’humidité marine. Le gigantesque anticyclone de l’île de Pâques, au large, joue le jeu et renvoie les dépressions vers le grand sud ou vers la région équatoriale au nord.

Le résultat est extraordinaire : sur des millions d’hectares ce ne sont que plaines de sable ocre ou rougeâtre, monts désolés dignes des fantasmes tolkienniens du Mordor mythique, vallées arides formées par des cours d’eau oubliés dont les oueds creux et rocailleux donnent soif et peur.

 

La Cordillère, les salars, et encore une cordillère :

Lorsqu’on approche des Andes, se détachent, grandioses, les immenses volcans noirs de la cordillère. Leurs sommets béants et dentelés, couronnés de glace, racontent la genèse violente de l’altiplano. Au pied de ces splendeurs éruptives, la mort. Les salars, espaces statufiés dans le sel d’antiques mers asséchées, exhibent leur  stérilité totale du fond de leur cuvette comme un défit à la vie. Une terre acre, blanche et grise, longe les hauts plateaux comme un fossé satanique que rien ne viendra remplir car tout est figé, sec, rétracté.

Pourtant, dans cette zone de cauchemar minéral, l’eau existe dans quelques lagunes bleues diaphanes. Une eau surgie et alimentée par quelques improbables fissures. Une eau morte, en récession, salée à outrance, qui permet à peine la survie de quelques flamands roses végétatifs. Autour des lagunes, des joncs et un peu d’herbe recouverts d’une neige salée mortelle survivent en dépit de tout.

Puis, comme s’il en était encore besoin, un troisième paysage invraisemblable vient se juxtaposer au spectacle. Des contreforts boueux, massifs, boursouflés de monticules obscènes et chaotiques, isolent le désert proprement dit de la zone littorale. Là, on touche au lunaire. Ce massif ramassé, vieillard de glaise, est un labyrinthe inextricable de vallées hallucinantes, étroites, où les formes et les volumes de la terre brute jetée en tout sens défient l’entendement humain. L’angoisse assaille le promeneur au milieu de ce monde grotesque, construit de reliefs grossiers enfantés par des pluies oubliées. Ici les chemins sont des fissures. Parfois au détour d’un de ces boyaux terreux d’altitude, une brèche rocheuse, allez savoir pourquoi, tout à coup, révèle l’étendue blafarde des salars et, au delà, la magnificence des hauts sommets enneigés. Le silence est partout, le vent mort n’apporte nul espoir, la terre ne vibre pas, ne respire pas, ne réagit plus.

Ailleurs les forces telluriques ont creusé dans le vieux massif des cirques aux bords aigüs et altiers, remplis de cratères nains morts, de dunes symétriques formées de sable noir et rouge. On a quitté la terre, on cherche le vaisseau spatial qui nous a amené là, on cherche un brin d’herbe, une goutte d’eau, un repère quelconque.

La seule certitude humaine est l’impitoyable tyrannie du soleil, il fait une chaleur de four.

San Pedro d'Atacama :

 Pourtant, c’est coincé entre la vieille sierra et la haute Cordillère sur les berges du grand salar que les dieux ont fait l’oasis. L’eau, issue des hauts sommets, protégée par d’immenses éperons rocheux, suit l’unique rio du désert et meurt avec les squelettes d’arbres d’un autre âge dans les terres salées.

San pedro d’Atacama, habité par l´homme depuis vingt mille ans, est l’un des vestiges encore palpable de la vieille civilisation indienne. On y voit, malgré le tourisme en marche, de vrais indiens au regard encore fier, des maisons de torchis et de pierres, splendides de murets coiffés de joncs, de voûtes antiques et basses. On y sent une culture affleurante au goût de peyolt et de chamanisme qui combat encore de nos jours pour garder ses racines et sa terre. Quelques champs, des vergers, de maigres pâturages rassérènent l’âme du voyageur à son retour du chaos extérieur. Ici les hommes inconsciemment se serrent les coudes. Le long du mince rio, les ruines innombrables attestent de l’impressionnante adaptation des anciens de ce peuple, qui isolé, ne tomba que fort tard sous le joug des assassins de l’ancien monde. Faut-il que la folie, l’hystérie des blancs soit immense pour que des hommes, poussés par l’attrait de l’or et de l’argent, aient oser se lancer dans cet enfer de pierres, de sable, de terre, pour venir dépouiller ces tribus reculées.

Les geysers :

En venant de l’océan, après la traversée de la sierra par la vallée de la mort, on peut se reposer à San Pedro. De là, les plus motivés peuvent monter vers les montagnes. Il faudra pour cela supporter des heures de tout-terrain sur des pistes défoncées. La poussière brûle peau et poumon, et l’air à 4500 mètres refusera tout effort physique soutenu. Mais alors, malgré les 15°C en dessous de zéro, on découvrira ce qui fait de l’Amérique du sud le pays de tout les rêves. Un lever de soleil digne des lueurs boréales dans les vallons escarpés de l’altiplano, une végétation de touffes rêches, de lichen, de mousses compactes qui suffisent à nourrir quelques vigognes indomptables, qui elles-mêmes, font vivre quelques gros chats et renards irréductibles.

 

Enfin après avoir escaladé des névés de glace, descendu et monté des vallées étroites tour à tour sèches et marécageuses, patiné et poussé le lourd engin tout-terrain dans de la boue verglacée, on arrivera aux geysers, tout au bout du chemin, au pied des grands volcans.

Leurs volutes vaporeuses remplissent l’air sec et froid dans les crachotements incessants des centaines de bouches calcaires torturées surgissant du sol volcanique. La montagne parle et raconte les longues fureurs qui l’ont formée à qui sait son langage. L’eau jaillit bouillante, propulsée en furieux jets de vapeur dans l’atmosphère, elle se sublime pour redevenir eau et retombe. Là, sur le sol gelé, elle devient glace, puis refond lentement dans la journée pour recommencer ce cycle incroyable. Tout cela sous l’œil de l’immense volcan qui écrase de ses 6000 mètres tout le haut plateau où les fourmis humaines se pressent pour l’admirer.

 

Epilogue :

Ces quelques jours dans le désert nous ont appris une nouvelle beauté, celle sans pitié des zones désertiques. Une autre facette de notre planète, qui a cela d’angoissant qu’elle est l’état absolu de stabilité. La glace peut et va fondre, les forêts disparaissent peu à peu, les campagnes fertiles s’érodent. Le désert, lui, est l’état final lorsque tout est passé, tout a vécu. Celui que nous avons vu préfigure le monde quand les hommes en auront fini avec le progrès.

 

PS: Nous sommes allés seuls à San Pedro d'Atacama, et sur place, il existe des dizaines de petites officines qui vous proposent des ballades à la journée vers tous les lieux hautement touristiques. Mais si vous voulez sortir des sentiers battus, vous pouvez aussi envisager des ballades à la carte: contactez Remi Castel de Latitudes a Santiago.

 

 

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