Le Magellan : de Puerto Natales à Punta Arenas
Chers amis voilà la suite, courte, de notre odyssée fuégienne.
Dans ce pays extraordinaire, les tares de la civilisation n'existent pas, depuis
deux mois aucune trace sur le sol, aucune clôture, même pas un piquet,
l'horreur puante de l'asphalte foulé de véhicules remplis de schizophrènes égoïstes
semblait être enfin et pour toujours devenue un cauchemar d'enfant.
Ce pays merveilleux donne le glorieux sentiment d'être devenu un homme. A
jamais quoi qu'il arrive le gigantesque diaporama de ces montagnes baignant dans
l'océan, accompagnées de leurs glaciers, de leurs torrents, et de toute la vie
qui va avec restera pour nous la preuve flagrante de la folie dans laquelle
notre espèce a plongé depuis déjà bien longtemps...
Toutefois, même ici, ils sont là, tapis dans leur bateau noir, ils guettent
comme partout au pays des hommes, l'étranger, l'ennemi de la nation, le con de
service, embrigadant du coup la jeunesse imbécile de leur pays sur la voie du
guerrier qui sera un jour ou l'autre le pivot de notre disparition.
Pour une histoire obscure de canaux interdits à la navigation, que stupidement
j'avais déclaré à l'Armada de Puerto Natales, notre dernière escale, les
voilà à nos trousses.
Ils nous sont tombés dessus bien sûr tôt le matin, dans une caleta bénie des
dieux où, malgré la branlée reçue la veille pour y rentrer, nous dormions
comme des brutes, la radio éteinte évidemment, qui pourrait nous contacter ici ?
Me voilà maintenant sur la passerelle noire, en face de moi trois connards à
galons, fils de massacreurs d'indiens et fiers de l'être, je sens qu'on va
s'entendre... A mon refus de faire demi-tour, pour retraverser la cordillère d'ouest en est
vers Puerto Natales, trajet merveilleux certes, mais oh combien périlleux, que
nous venons de surcroît de faire deux fois pour déposer Pierrot et récupérer
Christian, le ton monte...
Les négociations, âpres comme le pays, dureront longtemps au milieu des rachas
féroces de l'entrée du dernier canal patagon avant le détroit de Magellan.
Cette contrée a façonnée des gens rudes mais qui n'ont pas encore comme en
occident perdu de vue l'essentiel, survivre au mieux dans son élément et comme
toujours lorsque l'on vit librement tout fini par s'arranger... De plus il est
heureux de constater que dans ces canaux de pays soit disant sous-développé
nul cargo Erika ne sera toléré par des marins très au fait des sécurités
maritimes et dont le sens de l'humour a de strictes limites.
Finalement, détournés sur Punta-Arenas pour renouvellement d'autorisation, nous quittons la Patagonie un peu tristement, en slalomant entre vieilles épaves et chatoiement glaciaire.
Heureusement, le Détroit de Magellan, ses splendeurs, la Patagonie à bâbord,
la Terre de Feu à tribord sont venus passer un baume de liberté, de beauté
sauvage sur de vieilles blessures qui jamais ne guériront. Regarder jouer les baleines
dans les contre-courants des étroitures rocheuses, admirer leur souffle
majestueux qui ressemble, en miniature, à s'y méprendre aux rachas par
ailleurs de plus en plus fréquentes au fur et à mesure de notre descente vers le Beagle est autrement
plus exaltant.
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